14 octobre 2024

Facebook et ses problèmes de « reach »

En fait c’est plutôt Facebook qui créé les problèmes. L’impression c’est qu’ils se foutent vraiment de nous et ça commence à gravement se voir. Je travaille en agence web depuis 5 ans maintenant, j’ai donc suivi depuis le début les fan pages lancées par la firme californienne en 2007 au détriment des « groupes ». On a noté de nombreuses évolutions (plus ou moins bonnes) entre le lancement fin 2007 et aujourd’hui … (ça serait d’ailleurs intéressant de retrouver l’historique de ces évolutions)

Mais ici, je vais plutôt m’attarder sur la manière dont Facebook a entubé les agences et annonceurs :

La course aux fans

become a fan

Même si l’intérêt pour une marque d’être sur Facebook est discutable, le réseau social est indéniablement un levier de communication très puissant, un media à part entière. Mon premier problème est que le lancement des pages de marques a créé un effet « la ruée vers l’or » ou « qui a la plus grosse » et aujourd’hui tout le monde y est et pire se sent obligé d’y être. Je ne dis pas qu’une page de marque est inutile, mais c’est un vrai investissement de temps, d’argent qui ne doit pas être pris à la légère et par conséquent elle doit répondre à des objectifs de marque précis sinon c’est de l’argent jeté par les fenêtres.

$$$ Le meilleur moyen de gagner cette course aux fans est d’investir massivement dans des campagnes d’acquisition. La grande majorité des fans de la plupart des marques est achetée… moins le public a de la sympathie pour votre marque, plus vous allez payer pour recruter des fans. Il est plus simple de faire du recrutement pour la page Playstation qui spontanément va générer du fan plutôt que pour Knorr… c’est comme ça.

Voilà, vous avez un million de fans. Et maintenant ?

Les interactions

Au lancement des pages, Facebook nous a fait croire que les interactions étaient importantes pour favoriser la visibilité de votre page, améliorer le mystérieux « edgerank ». Puis, pour s’amuser ils ont commencé à embrouiller les gens avec le People Talking About This, une vaste blague qui a valu des appels des annonceurs aux agences les cheveux en feu : « machin a un plus gros PTAT que moi alors qu’on a plus de fans ! faites quelque chose vite ! »

Pour rappel le PTAT est un affreux fourre-tout puisqu’il comptabilise (au page level) toutes les interactions, mentions, nouveaux fans heu.. tout en fait qui a attrait avec la page sur une période de 7 jours. Intéressant non ? non.

Puis est arrivé le reach… le fameux ! Le Facebook (sic) a finalement décidé de communiquer sur les personnes que vous touchiez. Le message simplifié :

« Bonjour, vous avez investi des milliers d’euros pour avoir une base de fans. Maintenant que l’argent a été encaissé, nous vous annonçons officiellement que vous ne touchez que 16% de vos fans en moyenne mais ne vous inquiétez pas en payant encore vous pourrez en toucher plus. » $$$

Je vous invite à lire l’article écrit à l’époque ici même : le reach, nouvel indicateur à la mode

SOIT… on va expliquer ça aux annonceurs et on verra bien si ils vont vouloir investir.

Les problèmes de reach

Apparemment, ça n’a pas fonctionné plus que ça. Les annonceurs devaient se contenter de leurs 16% moyen. Qu’à cela ne tienne, il a suffi d’appuyer sur un bouton pour que les vilaines pages qui n’investissent pas assez voient leur reach chuter.

Déclaration de Mark Zuckerberg à propos d’une éventuelle baisse de reach volontaire : « HAHAHAHAHAHAHA ! »

zuckerberg lol

Pour preuve, ci-dessous quelques graphs sur les 3 derniers mois de certaines pages que j’administre (par soucis évident de confidentialité, vous n’aurez  pas les noms des marques )

En bleu le « 28 days organic reach » et en rouge le « daily paid reach ». On part bien entendu du principe que les pages ont été gérées de la même manière sur toute la période.

On voit bien le reach descendre  progressivement jusqu’à la reprise du média.

Ici, la baisse passe inaperçu grâce au media et tout de suite après l’arrêt on le voit descendre dangereusement jusqu’à passer sous la barre des 300 000 (470 000 avant la campagne). Joli perte.

Pas de media sur cette page un peu plus petite. Indéniablement, le reach s’effondre de plus de la moitié ! de 70 000 personnes début août, on peine à 30 000 fin octobre.

Je trouvais cet exemple intéressant. Je vous l’accorde, on ne voit pas grand chose. L’investissement media a été conséquent et sur une courte période. On s’aperçoit clairement que le reach n’est pas vraiment impacté. Un investissement « fil rouge » ne servirait donc à rien ? c’est peut-être simplement une histoire de montant investi par rapport à la taille de la page…

Dernier exemple d’une micro-page (perso), je peux même vous dire que c’est la page du magnifique site Coup De Vieux 🙂 Le reach ne semble pas affecté, puisque pas d’argent à se faire j’imagine.

Conclusion

Facebook a malheureusement pris beaucoup de pouvoir sur les marques en créant des communautés énormes faisant du réseau social un vecteur de communication incontournable et là où c’est pas cool, c’est qu’ils en profitent A MORT. Il leur suffit d’appuyer sur un bouton et d’envoyer des commerciaux vendre du page post ads, les annonceurs n’ont pas le choix : le coût de fonctionnement d’une page n’est pas justifiable si l’on ne touche que 3% de sa base de fans. Il faut donc investir encore. Facebook a créé un besoin auprès des marques et assoit sa domination quand bon lui semble…

Le plus agaçant dans l’histoire c’est que le marché subit les humeurs de la firme de « Zucky » et qu’elle ne communique ABSOLUMENT pas sur des changements éventuels. J’ai passé une partie de l’année à expliquer à mes clients qu’en gérant une page correctement (taux d’interactions au top, interactions négatives en baisse notamment) le reach devrait augmenter sensiblement mais force est de constater que celui baissait ! … le discours est certes plus simple maintenant : investissez en post sponsorisés. Pour être maîtres des performances de nos pages, il faut les acheter (les performances…). Imaginez Google qui ne fonctionnerait qu’avec de l’achat de mots clés. C’est exactement ça.

Pour finir, je tenais à saluer au passage le peu de marques qui résistent encore et toujours comme leboncoin.fr qui fait pourtant partie des 10 sites français les plus consultés et qui n’a pas de page Facebook officielle. J’imagine qu’il est compliqué pour ce genre de sites d’annonces locales de trouver un sens à une page Facebook (si ce n’est la présence à l’esprit) donc autant ne rien faire.

La réponse de Facebook à ce sujet :

facebook fuck

EDIT une réponse de Facebook (non officielle) : http://adage.com/article/digital/study-reach-organic-facebook-posts-engagement/238365/

Article très intéressant au passage, la baisse de reach (que tout le monde a pu constater) a fait augmenter l’engagement des fans en touchant une cible plus qualifiée. En regardant de plus près les « negatives feedbacks » sont en baisse, le taux d’interactions en hausse… si on se place côté utilisateur c’est donc une très bonne chose car exposé à des contenus plus pertinents. Aussi, engager une cible de « core fans » est plus facile qu’une grande masse. Logique.

C’est côté annonceur que le discours est plus difficile à entendre : la plupart ont investi massivement dans des fans, normalement qualifiés (on like rarement une page sans raison), il semble donc légitime que les marques veuillent toucher le plus grand nombre de ces fans possible. Libre à ceux qui n’aiment pas le contenu de sanctionner la page à coup de  « hide/report as spam/unlike page ». La question qui se pose donc est :

Est-ce à Facebook ou à l’utilisateur de faire le ménage dans son feed ?

un peu des deux à vrai dire. Tout comme Google change ses algorithmes pour rendre son moteur plus pertinent au détriment de certains sites il paraît normal que Facebook fasse de même… sauf que sur Google l’utilisateur n’a pas son mot à dire (quoiqu’avec le +1 maintenant…). Ici, le déséquilibre est beaucoup trop important. Comment expliquer à un client qu’il ne touche plus que 3% de sa base (ce chiffre n’est pas pris au hasard, il a été constaté sur certaines pages) normalement déjà qualifiée via les campagnes d’acquisition ?

J’aime beaucoup la comparaison entre l’engagement Facebook et le SEO. Dans les 2 cas, on tente d’être plus pertinent pour gagner en visibilité. Sauf qu’ici c’est très difficile de trouver une base stable. Je ne crache pas dans la soupe, Facebook est encore jeune, les métiers qui en émergent le sont encore plus et nous apprenons chaque jour à essayer de trouver cette base stable, tout comme les bonnes pratiques de SEO nous permettent d’éviter (ou au moins de limiter) les foudres de Google en cas de mises à jour (Panda, Penguin..) Quand le sol s’effondre sous nos pieds ça devient plus compliqué. Mon métier est de mesurer les engagements sur le réseau et de m’assurer de la pertinence des contenus envoyés, pas de vendre du media… mais je sens qu’il est doucement en train d’évoluer.

 

Vincent Malischewski

Consultant pour l'agence Heaven depuis 2007. - Expertise SEO - Analyse de l'engagement sur Facebook

Voir tous les articles de Vincent Malischewski →

5 réflexions sur « Facebook et ses problèmes de « reach » »

  1. Intéressant…

    De mon côté, j’ai mesuré ce que j’appelle le « non-paid reach », c’est à dire le reach global diminué du reach payé (avec les chiffres utilisateurs uniques pour éviter qu’il y ait un recouvrement). Je l’ai testé sur une page entre 50.000 et 100.000 fans.

    J’ai constaté que:
    – Lors d’une campagne pub, le reach non payé DIMINUE! En gros, tu payes aussi pour toucher des gens que tu touchais gratuitement en temps normal.
    – En 6 mois, le reach non payé a diminué de 50% alors que le nombre de fans a augmenté de 20% et que le Talking About est resté stable.

    J’ai l’habitude de dire que les médias sociaux portent mal leurs noms, parce que ce ne sont pas des médias. Sauf Facebook, qui devient de plus en plus un média, et de moins en moins social.

  2. Suite à la demande d’un journaliste, nous avons fait une étude sur un échantillon des pages inscrites sur Wisemetrics (260 pages).
    La conclusion c’est que les propos de Facebook sont plausibles.

    La baisse du reach constatée en septembre est corrélée à une forte augmentation du negative feedback (+180% en un mois) et une baisse constatée de l’engagement.
    Depuis octobre, les choses semblent être revenues au niveau de juin, en sachant que juillet et août étaient des moins plutôt très bons pour les 260 pages que nous avons étudié.

    On va rédiger un article sur le sujet sur notre blog dans quelques jours http://blog.wisemetrics.com

    1. merci Stephane pour tes lumières, j’attend l’article avec impatience 🙂

      Comme je le dis dans l’edit je n’ai aucun problème avec le fait que la pertinence augmente puisque l’utilisateur est gagnant mais de là à tendre vers un reach de 0% (2,2% c’est très proche de 0%.. en tout cas loin des 16% et même des 10% de l’article de adage.com).
      La marque est donc OBLIGEE de faire du page post ads pour pousser du contenu à une personne qui a consenti (plus ou moins certes) à le recevoir…

      Pour résumer, Facebook décide que la page n’est pas assez pertinente pour l’utilisateur mais autorise qu’on l’embête si l’on paye. Facebook se place-t-il vraiment côté utilisateur ? ou juste côté Facebook ?

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